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Fév 18

Olivier DE SOLMINIHAC : « L’homme au fond »

 Editions de l’Olivier (2015) 15€

 Au fond de quoi ?… du jardin, du trou, du vide ?

A moins que ce ne soit « L’homme, au fond,… » et que le nouvel ouvrage de Solminihac ne soit une réflexion sur la perspective humaine.

C’est un peu tout cela, et plus encore, car les ouvrages « pour les grands » de ce jeune auteur nordiste sont toujours empreints de philosophie et de poésie.

En cela, il surprend le lecteur « parent de petit lecteur » qui apprécie l’humour et les clins d’œil second degré des romans jeunesse de l’auteur.

« L’homme au fond » (nous allons essayer de ne pas trahir le secret de ce personnage énigmatique.. !) commence fort : dans une première partie écrite avec un certain recul, Olivier de Solminihac, commente la phrase qui entame son ouvrage « Quand on est enfant, chez nous, on croit en Dieu ». Le narrateur y conjugue le verbe croire au temps de l’enfance, et le début d’une histoire prend forme, celle d’une famille qui déménage de Noisy-le-Grand à la banlieue lilloise : Meum, Peup et …et un, ou plusieurs enfants, impossible de savoir car, facétieusement, Solminihac va écrire tout son texte à la première personne du pluriel…

Un détail pour le moins curieux, et qui laisse perplexe le lecteur. Quel message derrière ce « nous » ? Parfois utilisé comme le « on », il va désigner une situation générale (« Nous sommes baptisés et aussitôt que nous sommes les enfants de nos parents, nous sommes les enfants de Dieu »). Parfois, rarement, se cacheront derrière le pronom plusieurs personnages (« A la friterie du coin, avec un saladier et trois euros, ça suffit pour nous tous »). Mais la plupart du temps, il n’y a que le narrateur derrière le « nous » (« Quelque chose ploie en nous […], quelque chose rompt, libérant en nous une onde de douleur qui se propage dans tout le corps et nous transperce »)…

L’habitude prise, la surprise passée et comprise, on entre dans le roman, curieux de son aboutissement. L’enfance pleine de lumière du narrateur s’assombrit brutalement un soir de Noël, où une bonne et une mauvaise nouvelle arrivent en même temps : une petite soeur est née mais « elle est partie au ciel aussitôt » explique l’oncle, certainement soulagé de pouvoir utiliser la parabole religieuse.

C’est la seconde partie qui commence alors, l’adolescence du narrateur, perdu dans et par ce dramatique épisode. « Voici ce qu’a été notre adolescence, dit-il, un trou noir, un moment que nous ne pouvons pas reconstituer parce que nous l’avons occulté, parce que tout en le vivant, nous cherchions déjà à l’oublier ». La famille déménage à Dunkerque, essaie de se restructurer. Solitaire, le jeune homme se passionne pour la lecture, pour la musique. Il semble studieux, prépare son bac tout en fumant des cigarettes à la fenêtre de sa chambre quand tout le monde dort…

Vingt ans passent…et le narrateur décide de revenir s’installer à Dunkerque où il achète une maison, non sans l’avoir cherchée longuement. C’est la troisième partie du roman, où l’on observe une nouvelle vie se mettre en place : il faut couper les arbres trop hauts du jardin qui nous empêchent de dormir sereinement, il faut remettre à neuf la maison. Jusqu’au jour où l’on découvre que derrière le mur qui entoure la propriété, une plaque commémorative évoque des civils morts à cet endroit précis pendant la seconde guerre mondiale.

Le narrateur reprend la route de la bibliothèque, puis des archives municipales : il veut savoir ce dont personne ne se souvient. C’est le début d’une quatrième partie lors de laquelle il mène une enquête historique qui l’émeut profondément.

De quoi sommes-nous prisonniers, questionne le narrateur (ou Solminihac ?)?

Et l’on comprend que tout au long de son récit, il évoque ses prisons personnelles… La religion qu’on nous impose ? Les drames de notre enfance ? Les arbres trop hauts de notre jardin ? Les 52 fenêtres qui ont vue sur notre propriété ? Le  passé oublié sur lequel on plante nos bulbes d’automne ? Et au final, ce voisin énigmatique qui nous regarde en silence ?…

Si l’on décidait de penser pour la dernière fois à tout cela, serions-nous libres ?

C’est la solution (temporaire ?) que trouve le narrateur (l’auteur ?) pour clore ce texte qui interroge sur tout ce qui nous empêche d’être complètement libres et sur les nécessaires efforts que nous devons faire pour nous situer dans une société où le passé, le présent et le futur à construire s’entremêlent et pèsent sur les épaules fragiles des Hommes.

Lydie GEORGE

18 février 2015

Le Livre à la Mer

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